mardi 11 mai 2010

De la morale philosophique et la morale chrétienne

Entre la morale philosophique et la morale religieuse la différence est grande. La première, incertaine et variable dans ses principes se réduit à l’art de bien vivre avec soi et avec ses semblables et d’être bon pour être heureux ; c’était celle des Epicuriens, et les matérialistes modernes n’en connaissent point d’autre.

Soumise aux affections, aux inclinations, aux passions, aux humeurs et aux fantaisies humaines, qui changent et déplacent à leur gré l’idée du bonheur, elle n’inspire à l’homme qu’une seule obligation, celle de n’être bon que dans la vue d’être heureux dans ce monde selon ses gouts et ses caprices : de façon que dès qu’il croira pouvoir aller à son but par une autre route, il changera de moyens, et deviendra vicieux et méchant par principe.


La morale religieuse, que l’on définit la
science de vitre pour l’éternité est plus étendue, plus élevé, plus solide. Vivre pour l’éternité est bien vivre aussi pour soi, et c’est bien, par excellence l’art d’être bon pour être heureux. Mais ici ce n’est point tune bonté de convenance, ni un bonheur de fantaisie. La volonté divine devient l’unique règle des volontés humaines, et les petits intérêts du grand avenir.

Ainsi dans la morale religieuse, le principe, la fin, le moyen, tout est fixe, tout est constant. Le but en est marqué ; la route en est tracée. Il ne s’agit pour l’homme que de bien savoir à quelles conditions le bonheur lui est promis, et quelle est la bonté dont il sera la récompense.


On donne à la morale religieuse un objet plus sublime encore, celui de conformer l’existence de l’homme à la volonté de son Dieu, dans l’intention unique et pure de lui plaire en lui obéissant et de lui faire de la vie et de tous les dons qu’il a reçues de lui, un hommage perpétuel de reconnaissance et d’amour.


Rien de plus louable sans doute et la morale des stoïciens s’attribuait aussi la pureté de cette morale
ascétique, en ne laissant au cœur humain, dans la vertu, d’autre intérêt que la vertus même (1) . Mais comme on risque de faire évanouir ce qu’on veut subtiliser, ce désintéressement parait trop exalté pour une vertu usuelle. Puisque Dieu a donné à l’homme le soin de son salut, il veut donc bien que son salut le touche, puisqu’il lui en a donné l’espérance et lui en fait une vertu, il veut donc bien qu’elle l’anime, et que ses promesses tempèrent ce qu’il peut y avoir de pénible et de rigoureux dans sa loi.

Tenons-nous-en donc à la définition que nous avons donnée de la morale religieuse et appelons la
science de vivre pour l’éternité.
Cette science, mise en pratique, sera donc l’art d’assurer le bonheur pur et plein qui attend l’homme au-delà de la vie, sans toutefois renoncer au soin de se procurer dans la vie les lueurs de félicité qui sur ce passage rapide, sont comme de pâles éclairs échappés du sein des nuages.

« Ce n’est point à nos actions à courir après la gloire, a dit Pline le jeune ; c’est à la gloire de les suivre. » Il en est de même de tous les avantages qui accompagnent la bonté. Ce n’est pas un salaire, c’est un tribut qu’elle n’exige ni ne refuse, et que Dieu lui permet de recevoir comme en passant.


Ainsi l’estime, la bienveillance ; la reconnaissance des hommes, obtenues par le mérite, seront des jouissances passagères mais innocentes ; des liens fragiles et périssables, mais légitimement acquis et modestement possédés.


(1)
Interrogas, qui petam ex virtute ? Ipsam. Nihîl enim habet melius : ipsa pretium sui. An hoc parum magnum est ?... Quum tibi dicam summum bonum est, infrangibilis animi rigor, et providentia, et sublimitas, et sanitas, et libertas, et concordia , et decor ; aliquid etiam nunc exigis majus ad quod ista referantur ? (Seneca)
Vous me demandez ce que je cherche dans la vertu ? La vertu même : car il n’y a rien en elle qui la surpasse. Elle est sa propre récompense. Est-ce donc si peu de chose ? et lorsque je vous dirai que la fermeté, la prévoyance, la magnanimité, le bons sens, la paix avec soi-même, l’honneur et un cœur libre de toutes passions sont le souverain bien me demanderez-vous quelque de plus grand à quoi tout cela puisse convenir ? (Sénèque)


extrait de Beautés de la MORALE CHRETIENNE ou Choix de Morceaux Sur les vérités, la force morale et l’excellence DU CHRISTIANISME

Extraits de Massillon, Bossuet, Fléchier, Bourdaloue, etc, etc
Martial Ardant Frères, éditeurs à Limoges et Paris, 1852

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