O Adonái, * et Dux domus Israël, qui Móysi in igne flammæ rubi apparuísti, et ei in Sina legem dedísti : veni ad rediméndum nos in bráchio exténto.
O Adonaï, * et Conducteur de la maison d’Israël [1], qui avez apparu à Moïse dans le feu du buisson ardent [2], et lui avez donné la loi sur le Sinaï : venez pour nous racheter par la puissance de votre bras.
Dom Guéranger, l’Année Liturgique
Pour l’introduction de Dom Guéranger aux Grandes Antiennes O, on se reportera ici.
L’antienne
O Seigneur suprême ! Adonaï ! Venez nous racheter, non plus dans votre puissance, mais dans votre humilité. Autrefois vous vous manifestâtes à Moïse, votre serviteur, au milieu d’une flamme divine ; vous donnâtes la Loi à votre peuple du sein des foudres et des éclairs : maintenant il ne s’agit plus d’effrayer, mais de sauver. C’est pourquoi votre très pure Mère Marie ayant connu, ainsi que son époux Joseph, l’Édit de l’Empereur qui va les obliger d’entreprendre le voyage de Bethléhem, s’occupe des préparatifs de votre heureuse naissance. Elle apprête pour vous, divin Soleil, les humbles langes qui couvriront votre nudité, et vous garantiront de la froidure dans ce monde que vous avez fait, à l’heure où vous paraîtrez, au sein de la nuit et du silence. C’est ainsi que vous nous délivrerez de la servitude de notre orgueil, et que votre bras se fera sentir plus puissant, alors qu’il semblera plus faible et plus immobile aux yeux des hommes. Tout est prêt, ô Jésus ! Vos langes vous attendent : partez donc bientôt et venez en Bethléhem, nous racheter des mains de notre ennemi.
L’expectation de la Sainte Vierge
Cette Fête, qui se célèbre aujourd’hui, non seulement dans toute l’Espagne, mais dans presque toutes les Églises du monde catholique [4], doit son origine aux Évêques du dixième Concile de Tolède, en 656. Ces Prélats ayant trouvé quelque inconvénient à l’antique usage de célébrer la fête de l’Annonciation de la Sainte Vierge au vingt-cinq Mars, attendu que cette solennité joyeuse se rencontre assez souvent au temps où l’Église est préoccupée des douleurs de la Passion, et qu’il est même nécessaire quelquefois de la transférer dans le Temps Pascal, où elle semble présenter une contradiction d’un autre genre, ils décrétèrent que désormais on célébrerait dans l’Église d’Espagne, huit jours avant Noël, une fête solennelle avec Octave, en mémoire de l’Annonciation, et pour servir de préparation à la grande solennité de la Nativité. Dans la suite, l’Église d’Espagne sentit le besoin de revenir à la pratique de l’Église romaine, et de toutes celles du monde entier, qui solennisent le vingt-cinq Mars comme le jour à jamais sacré de l’Annonciation de la Sainte Vierge et de l’Incarnation du Fils de Dieu ; mais telle avait été durant plusieurs siècles la dévotion des peuples pour la Fête du dix-huit Décembre, qu’on jugea nécessaire d’en retenir un vestige. On cessa donc de célébrer en ce jour l’Annonciation de Marie ; mais on appliqua la piété des fidèles à considérer cette divine Mère dans les jours qui précèdent immédiatement son merveilleux enfantement. Une nouvelle Fête fut donc créée sous le titre de l’Expectation de l’Enfantement de la Sainte Vierge.
Cette Fête, qui est appelée Notre-Dame de l’O, ou la Fête de l’O, à cause des grandes Antiennes qu’on chante en ces jours, et surtout de celle qui commence O Virgo Virginum ! (qu’on a retenue à Vêpres dans l’Office de l’Expectation, sans toutefois omettre celle du jour, O Adonaï !) est toujours célébrée en Espagne avec une grande dévotion. Pendant les huit jours qu’elle dure, on célèbre une Messe solennelle de grand matin, à laquelle toutes les femmes enceintes, de quelque rang qu’elles soient, se font un devoir d’assister, afin d’honorer Marie dans sa divine grossesse, et de solliciter pour elles-mêmes son secours. Il n’est pas étonnant qu’une dévotion si touchante se soit répandue, avec l’approbation du Siège Apostolique, dans la plupart des autres Provinces de la catholicité ; mais antérieurement aux concessions qui ont été faites sur cette matière, l’Église de Milan célébrait déjà, au sixième et dernier Dimanche de l’Avent, l’Office de l’Annonciation de la Sainte Vierge, et donnait à la dernière Semaine de ce saint temps le nom de Hebdomada de Exceptato, par corruption de Expectatio. Mais ces détails appartiennent à l’archéologie liturgique proprement dite, et sortiraient du genre de cet ouvrage ; nous revenons donc à la fête de l’Expectation de la Sainte Vierge, que l’Église a établie et sanctionnée, comme un moyen de plus de raviver l’attention des fidèles dans ces derniers jours de l’Avent.
Il est bien juste, en effet, ô Vierge-Mère, que nous nous unissions à l’ardent désir que vous avez de voir de vos yeux Celui que votre chaste sein renferme depuis près de neuf mois, de connaître les traits de ce Fils du Père céleste, qui est aussi le vôtre, de voir enfin s’opérer l’heureuse Naissance qui va donner Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre Paix aux hommes de bonne volonté. O Marie ! Les heures sont comptées, et elles s’écoulent vite, quoique trop lentement encore pour vos désirs et les nôtres. Rendez nos cœurs plus attentifs ; achevez de les purifier par vos maternels suffrages, afin que si rien ne peut arrêter, à l’instant solennel, la course de l’Emmanuel sortant de votre sein virginal, rien aussi ne retarde son entrée dans nos cœurs, préparés par une fidèle attente.
GRANDE ANTIENNE A LA SAINTE VIERGE.
O Vierge des vierges ! Comment cela se pourra-t-il faire ? Nulle autre n’a jamais été, ni ne pourra jamais être semblable à vous. — Pourquoi vous étonnez-vous de moi, filles de Jérusalem ? Ce que vous voyez est un mystère divin.
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique
Pour l’introduction de Dom Pius Parsch aux Grandes Antiennes O, on se reportera ici.
La seconde personne de la Sainte Trinité eut une part active à la création et c’est ce que chante la première antienne. Nous la voyons maintenant parcourir le royaume de Dieu de l’Ancien Testament. Le Christ était le « Dieu de l’alliance » du peuple élu. Il a conclu alliance avec Noë, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, il a été le guide d’Israël à travers l’histoire. L’antienne, laissant de côté les autres manifestations divines, n’en rappelle que deux : le buisson ardent et la loi sur le Sinaï. Ce sont, en même temps, deux figures de la lumière de Noël qui vient. La prière fait allusion à la délivrance de l’Égypte qui est une image de notre délivrance du joug du démon.
Dom Adrien Nocent, Contempler sa Gloire
Pour l’introduction de Dom Nocent aux Grandes Antiennes O, on se reportera ici.
Yahvé s’est fait connaître de Moïse en lui livrant son nom. Pour un Sémite, livrer son nom c’est donner pouvoir sur soi. On conçoit que le Dieu d’Israël ne puisse se livrer comme un dieu païen qu’on invoque avec la certitude quasi magique d’être exaucé. Cependant le nom « Yahvé » évoquera pour Israël toute la geste divine de la délivrance du peuple élu [5].
Nous sommes dans une atmosphère pascale ; la venue du Fils est immédiatement mise en rapport avec son rôle rédempteur.
Il semble que la dernière partie de l’antienne contienne une richesse trop rarement exploitée. Sans doute, l’expression : « Viens pour nous racheter » exprime-t-elle assez le but de l’Incarnation et sa théologie à la fin du VIe siècle. Mais peut-être faut-il aller plus loin. La fin de l’antienne : « Viens nous racheter en étendant ton bras » semble riche de résonances. En hébreu, la racine ZR* signifie : semer, répandre, féconder. D’elle sont issus parallèlement deux mots. L’un (Zera*) qui signifie : temps des semailles, semence vitale, postérité, race, souche, rejeton, mot qui a pris chez Isaïe un sens messianique précis ; l’autre (Zerôâ) qui signifie : bras, puissance, virilité, violence, appui, secours. On voit toute la riche complexité que prend l’expression « en étendant ton bras ».
Celui qui va venir, c’est ce surgeon dont parle Isaïe, c’est le Messie, c’est en même temps celui qui vient redonner vie à son Peuple, c’est encore la puissance, l’appui, le secours. On ne peut sans doute pousser trop loin les rapprochements, mais il est au moins singulier de remarquer qu’en plusieurs endroits de son traité Contre les hérétiques, saint Irénée emploie souvent l’expression : « Il étendit la main lorsqu’il souffrit (sa Passion) [6] ». Expression rare ailleurs mais qui se retrouve chez Hippolyte de Rome, au début du IIIe siècle, dans l’Anaphore de la Tradition apostolique : « (Il) a étendu les mains, tandis qu’il souffrait, pour délivrer de la souffrance ceux qui croient en vous »... Extendit manus cum pateretur, ut a passione liberaret eos qui in te crediderunt [7].
Le Christ est donc appelé et nous attendons de Lui qu’il poursuive dans notre monde sa rédemption jusqu’à la fin des temps.
[1] Exod. 6, 2, 3, 13.
[2] Exod. 3, 2.
[3] Exod. 6, 6.
[4] Jusqu’à la réforme du calendrier de saint Pie X.
[5] Bible de Jérusalem, note à Exode 3, 14, p. 63, Éditions du Travail, 1955.
[6] L’ouvrage n’est traduit que partiellement. Dans R. Poelman, De la plénitude de Dieu, textes choisis de saint Léon, Casterman, Coll. Bible et vie chrétienne, on trouvera, p. 65, un paragraphe intitulé : La divine extension des mains. On trouvera p. 70, le texte suivant : « Le Christ, par la divine extension de ses mains, rassemblait les deux peuples en un seul Dieu... » (Adv. H.V., 17, 4).
[7] Hippolyte de Rome, La Tradition apostolique, texte critique, traduction, notes de Dom B. Botte, pp. 31, 32, Paris, Editions du Cerf, !946.
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